Agir sur la pauvreté pour prévenir l’itinérance

Mercredi 27 septembre 2023
Le 15 septembre dernier, plus de 400 acteurs et actrices issus des milieux communautaires, gouvernementaux et institutionnels se sont réunis lors du premier Sommet municipal sur l’itinérance. Isabelle Genest, PDG de Centraide, a pris la parole lors du panel intitulé « Prévenir l’itinérance : constats et perspectives ».
« Être en itinérance visible, c’est la forme la plus extrême de pauvreté », affirme avec conviction Isabelle Genest.
Pour elle, la prévention de l’itinérance passe inévitablement par une action parallèle sur les causes profondes de la pauvreté. « La lutte à la pauvreté, ça existe. Il y a des solutions. »
Isabelle Genest rappelle également que l'augmentation du revenu des 40 % des personnes les plus vulnérables de nos communautés fait partie des recommandations des Centraide du Québec, telles qu’énoncées dans leur dernier mémoire intitulé, Le meilleur plan de lutte à la pauvreté reste à écrire.
« Il faut se préoccuper du sort des gens les plus pauvres dans nos politiques avant celui des gens les plus riches », déclare Isabelle Genest, s’appuyant notamment sur les propos du journaliste Gérald Fillion.
La PDG a reçu une ovation chaleureuse lorsqu’elle a souligné « le travail immense des organismes communautaires qui doit être reconnu au même titre que celui des systèmes d’éducation, de santé, de justice. » Selon elle, le système communautaire joue un rôle clé dans la lutte contre l’itinérance et doit être soutenu par les gouvernements.
Innover, sans repartir à zéro
Bien que le nombre de personnes en situation d’itinérance visible ait augmenté de 36 % depuis 2018 dans la région de la Capitale-Nationale, et de 16 % en Chaudière-Appalaches selon le dernier dénombrement, Isabelle Genest insiste sur le fait qu’il ne faut pas considérer que le travail effectué sur le terrain est insuffisant.
La centralisation ne saurait être une solution à un problème aussi complexe et grave que l’itinérance, défend-elle. « Il faut dire plusieurs fois à une personne qui est dans la rue, qui n’a plus d’estime d’elle-même, qui a honte d’être là : “tu as de la valeur, tu vaux la peine”. Et ça, ça se fait avec de la proximité. »
Claude Foster, PDG de la Société d’habitation du Québec, partage cet avis. « On ne peut pas arriver avec une solution mur à mur. »
Pour lui, toute solution locale qui semble répondre à une problématique spécifique peut souvent être adaptée à d'autres contextes. « On est capable de faire autrement, tout en répandant les bonnes idées qui fonctionnent. »
Ramana Zanfongnon, cheffe de division au Service de la diversité et de l’inclusion sociale de la Ville de Montréal, a présenté l'initiative ÉMMIS lors de ce panel.
« L’accentuation de l’itinérance met une pression dans la demande de services aux municipalités, notamment aux services policiers. Comment répond-on à ces situations qui incluent des personnes très fragiles, très vulnérables, mais aussi des commerçants, des bibliothécaires, du personnel d’aréna qui sont confrontés à cette vulnérabilité? »
La Ville de Montréal a répondu à cette question en mettant en place l’équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS), composée d’intervenant·e·s psychosociaux·ales qui offrent une alternative à l’intervention policière.
Ramana Zanfongnon est convaincue que ce projet peut être répliqué et adapté dans d’autres municipalités. Par exemple, à Québec, le SPVQ collabore avec Pech, un organisme soutenu par Centraide, pour répondre aux besoins d’accompagnement des personnes en crise psychosociale.
Isabelle Genest souligne également l'importance d’adapter les services dans les régions éloignées, rurales ou périurbaines. « Les migrations des personnes en situation d’itinérance vers des villes où l’on trouve des services existent. Si l’aide était disponible chez eux, on éviterait des déracinements qui peuvent les fragiliser. »
Le droit au logement : une question de dignité
Lorsqu'Isabelle Craig, animatrice de la journée, a demandé aux intervenants et intervenantes de définir les rôles et responsabilités de chacun·e dans la lutte contre l’itinérance, le Dr Eric Latimer a comparé cette question au droit à la santé.
« On s’est mis d’accord en tant que société que même si une personne fume, ne fait pas d’exercice, mange de la poutine tous les soirs, si elle tombe malade, on va s’occuper d’elle. Et on a décidé de le faire indépendamment des coûts. »
Il estime qu’il est désormais temps de considérer le logement comme un droit fondamental, et que le gouvernement doit jouer un rôle essentiel dans la construction de ce consensus social.
« Parce qu’il y a une partie de la population qui croit que les personnes en situation d’itinérance ne subissent que les conséquences de leur propre choix et cela mine leur soutien à la mise en place de mesures coûteuses, mais nécessaires. »
Le Sommet municipal sur l’itinérance a permis de faire avancer ce grand consensus, en formulant de nombreuses recommandations et idées innovantes.
« Aujourd’hui, ce qui est ressorti de tous les panels, ce qui m’a fait du bien comme citoyenne d’entendre de d’autres, c’est que les personnes en situation d’itinérance ne sont pas le problème, elles sont victimes. »
Centraide est convaincu qu’avec un don solidaire, nous pouvons tous et toutes contribuer à prévenir et à agir sur les causes multiples de l’itinérance. Un don solidaire qui renforce le tissu social et nous aide à ne laisser personne derrière.
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